Idées politiques de Meslier : égalitarisme communiste et pensée révolutionnaire

Meslier est le premier penseur athée à mettre l’athéisme au service du peuple et de la révolution.

Face à l’oppression féodale bénie par l’Église, c’est à « un homme qui n’avait ni science ni étude mais qui, selon les apparences, ne manquait pas de bon sens » qui  «  souhaitait que tous les grands de la terre et que tous les nobles fussent pendus et étranglés avec des boyaux de prêtres. » que Meslier se réfère. Un aphorisme auquel on réduit trop souvent Meslier : il écrit effectivement cela, mais bien plus que cela aussi, et l’arbre, pour qui veut la découvrir, ne doit cacher pas la forêt.

Car au-delà de cette symbolique image haute en couleur, la pensée de Meslier se veut universelle. Au service des paysans et des opprimés, pour eux et avec eux, seul et solitaire cependant, Meslier voudrait « faire entendre sa voix d’une extrémité de la terre à l’autre » pour y dénoncer à la fois l’imposture religieuse et la tyrannie des puissants. En profondeur comme en détail, en théorie et en pratique, il étudie à la fois leurs causes et leurs raisons, leurs conséquences et leurs manifestations. Et il propose sa réponse, universelle elle aussi : l’athéisme et la révolution pour instaurer une société sans classes.

C’est aussi en termes matérialistes que Meslier pose sa critique sociale : la violence des rapports sociaux inégalitaires qu’il dénonce provient de l’inégalité issue de la propriété privée, non l’inverse. En exposant les avantages du partage en commun des richesses et de l’organisation communiste de la société, il défend également l’idée que les carences et les pénuries de biens proviennent, non pas de la nature, mais de l’appropriation privée.

Il est le premier critique social à considérer la religion comme le produit et la preuve de l’oppression et de l’exploitation, le premier à voir dans la propriété privée la cause de l’inégalité et de la domination, le premier à comprendre que toute la richesse vient du travail.

Il revendique ouvertement la révolution, cette « si noble, si généreuse, si importante et si glorieuse entreprise ».

Dans la conclusion de son Mémoire, il énonce son programme pratique, concret, militant d’action révolutionnaire :

  • l’union des damnés de la terre,
  • le renversement de l’oppression politique et religieuse,
  • l’internationalisme des masses asservies,
  • l’organisation clandestine de la révolution,
  • la propagation de la conscience révolutionnaire dans les masses, la transformation de la guerre des nations en guerre des classes
  • la grève générale révolutionnaire, voire le tyrannicide.

Et son projet révolutionnaire, tout aussi pratique, concret, militant de société communiste :

  • l’instauration d’une sage autorité publique,
  • la dictature sur les oppresseurs,
  • l’établissement et le maintien de la liberté,
  • l’exclusion des religions et des cultes,
  • la suppression de tous les privilèges de naissance et de statut,
  • le partage en commun du travail,
  • le partage en commun des richesses,
  • l’éducation commune des enfants et la dissolubilité des mariages.

Avec un tel programme et un tel projet, Meslier apparaît incontestablement comme le premier athée communiste – et donc aussi le premier communiste athée – connu dans l’histoire universelle.

Alors que tous les autres penseurs du communisme d’avant le XIXe siècle l’envisagent comme utopique, Meslier est bien le seul théoricien à vouloir fonder une société sans classes par l’action populaire des masses.

Loin de dénier toute forme d’autorité, loin donc de anarchisme dans lesquelles certains auteurs, comme M. Onfray, veulent l’inscrire, Meslier accepte l’idée d’une autorité et insiste sur son caractère de classe : si aujourd’hui elle sert les puissants, la révolution devra en construire une qui sert le peuple travailleur, non l’abolir.

Il  lance, dans la conclusion de son Mémoire, le mot d’ordre « Unissez-vous donc, peuples ! » qui résonne aujourd’hui avec une étrange modernité, comme répercuté par l’écho célèbre d’un autre, énoncé au cœur du monde industriel plus d’un siècle après lui.

Pour plus de détail, voir les ouvrages :

Serge Deruette, Lire Jean Meslier, curé et athée révolutionnaire.Introduction au mesliérisme et extraits de son œuvre, préface de Roland DesnÉ, Bruxelles, éd. Aden, 2008, 414 p.

Y. Ancelin, S. Deruette, M. Genin, Jean Meslier. Prêtre ardennais, athée et révolutionnaire, curé d’Étrépigny de 1689 à 1729, préface de R. DesnÉ, n° 19 des Cahiers d’Études ardennaises, Charleville-Mézières, éditions Société d’Études ardennaises, 2011, 277 p.

 

S. DERUETTE

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