Environnement Religieux

 
Catholiques et protestants dans les Ardennes

 

–  18 octobre1685 : Louis XIV  révoque l’Edit de Nantes –
– en 1698, il reprend la traque aux protestants dans toute la France –

– Meslier prend sa cure d’Etrépigny en 1689 –

 

A Sedan, ancienne principauté protestante
          A l’époque de Meslier, la principauté indépendante protestante de Sedan vient de disparaître (1642) au profit du royaume de France. 13 ans après la révocation de l’Edit de Nantes, Louis XIV relance en 1698 une nouvelle traque des protestants à travers tout le pays. Bien sûr à Sedan, où malgré les gros efforts de catholisation faite par l’archevêque Le Tellier, les protestants tenaient encore presque totalement l’économie de l’ancienne principauté, la traque va s’avérer intense .
    Va alors commencer dans l’ancienne principauté et ses 21 villages un cortège de sévices envers les protestants: défense de pratiquer le culte réformé, d’exercer certaines charges et professions, abjurations sous la contrainte souvent mentale mais quelques fois physique, confiscations de biens, expatriations, bannissements, envois au bagne ou aux galères, envois de femmes dans des couvents, baptêmes contraints…Jusqu’en 1724, le tribunal de Metz prononcera à l’encontre de protestants des sentences par pendaison.
     Par la puissance royale et celle de l’archevêché, toutes les institutions protestantes (collège, académie, temple) sont remplacées par des institutions catholiques dirigées par les jésuites comme le collège et le petit séminaire annexe de celui de Reims et des congrégations religieuses; l’église St Charles.

     Ces méfaits à 10 km d’Etrépigny, Meslier il les vit en direct.

 

Le jansénisme dans les Ardennes
    De plus, de nombreux prêtres ardennais, sont formés aux thèses jansénistes enseignées jusqu’en 1710 au séminaire de Reims. Ils se rebellent après la mise en application de la bulle Unigenitus(1), d’autant que le nouvel archevêque de Reims, de Mailly, issu de la haute  noblesse, jésuite farouche et ambitieux, tente autoritairement de les mettre au pas (2). A noter que Meslier ne participera pas à cette fronde des prêtres appelants, lui, l’athée, mais percevra tout le ridicule de cette querelle religieuse à propos de quelques points d’un dogme qu’il combat.
    Il faut noter que les Ardennes sont également la voie de passage la plus pratiquée pour tous les ouvrages interdits, clandestins, édités en Hollande et dispatchés vers la Lorraine, la Champagne et Paris. Ses nombreuses abbayes jansénistes, notamment celles d’Orval et surtout celle de Mouzon(3) dont les propriétés s’étalaient sur les trois évêchés (Reims, Liège et Trèves) et qui possédait des prieurés à 3 et 5 km d’Etrépigny en furent les principaux vecteurs. 

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    Les parents de Meslier ont vécu de plain-pied les ravages qu’ont provoqués à Mazerny et aux environs les querelles et de domination religieuse. Ils ont vécu de près les batailles rangées par les armées des alliés du seigneur protestant de Sedan et elle du chef de la milice catholique sanguinaire de la citadelle de Mézières, le comte de Saint Paul (4). Meslier lui-même a vécu les abominations du retour au pouvoir des catholiques face aux protestants dans l’ancienne principauté de Sedan, ainsi que les divisions entre jansénistes et jésuites membres du même clergé catholique, sans compter l’arrogance des archevêques envers les prêtres des campagnes. N’en fallait-il pas plus, outre son esprit humaniste, pour s’offusquer du pouvoir de la religion et d’en anéantir toutes ses soi-disant vérités.

     Dans un tel environnement de querelles confessionnelles, comment Meslier aurait-il pu échapper à une réelle rancœur vis à vis de toute religion ?

 
 
(1) la bulle Unigenitus condamne 101 des propositions contenues dans « Les Réflexions Morales » du moine  Quesnel parues en 1699 et approuvées par le Parlement de Paris en 1714. S’en suivit une fronde de plusieurs évêques auxquels s’associa la faculté catholique de Reims et une quarantaine de prêtres ardennais qui firent appel à cette décision en 1717 en demandant la tenue d’un concile à ce sujet.

(2) Voir les comptes-rendus d’inspection dans les Ardennes de 1716 de l’archevêque De Mailly conservés aux archives de Reims où nombre de prêtres sont qualifiés « d’entêtés », « de ne rien comprendre aux principes de la religion », « d’abord janséniste » (pour ces trois remarques Meslier en fait partie), « de se rendre en Hollande et divulguer des livres interdits », « de désobéir à l’archevêque »…)

(3) Mouzon est l’une des places fortes ardennaises défendant le royaume de France. L’abbaye, très riche et importante qui se trouve à la limite de ces trois diocèses est située sur un axe très ancien datant de l’époque romaine menant vers Aix-la Chapelle ou la Hollande

(4) A Poix-Terron, à 12 km d’Etrépigny, répondant à la prise de son château d’Omont, Louis de Gonzague, comte de Rethel, allié du prince de Sedan, exécute, dans le cimetière et l’église cinq à six cents ligueurs catholiques du gouverneur de Mézières, le comte de Saint Paul.

 

Y. ANCELIN

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